Dominique Marchès

47°13'58"N/0°15'08"E

Commissaire d’exposition et directeur de centre d’art depuis 1972, Dominique Marchès trace un sillon singulier mais cohérent qui prend ses racines dans la pratique de la photographie. Mieux, c’est même la photographie qui fonde son engagement pour l’art contemporain.
Son expérience de la photographie va de pair avec ses voyages, avec la capacité des paysages du monde à suspendre le temps et l’énergie du changement. Dominique Marchès construit ses images en duo. Duo-duel de deux clichés pris dans des lieux ou des temps différents, duo à l’intérieur d’une même photographie, confrontation inédite entre un décorum urbain (un message publicitaire, une architecture massive, un lieu de mémoire) et la simplicité d’un baiser, la poésie d’un regard, le poids d’une absence. Une vision aux antipodes du nostalgique ou du pathos. Dominique Marchès glisse au contraire sur le réel avec une légèreté piquée d’un humour à la fois tendre et caustique. Le photographique chez Dominique Marchès s’accorde avec la narration, un temps, un lieu, une petite histoire sujette à interprétation. Les photographies semblent préméditées, expriment un point de vue, un regard sur le monde, celui de l’auteur. Elles représentent un espace mental tout autant que physique. Ici la photographie est un stratagème et pas un prétexte. Ainsi, des images réalisées à dix ans d’intervalle, dix ou dix mille kilomètres de distance, se ressemblent et s’assemblent ; les similitudes du sujet concourent à ces rapprochements. Il est question de territoire, d’histoire, de géographie, d’économie, de loisir, de commerce, de voyage... Le réel n’est pas la seule référence, l’interprétation du spectateur révèle aussi les intentions conscientes ou inconscientes. A la lisière du « documenté », les photographies illustrent et suggèrent du « paysager ».

Dominique Marchès montre ou dispose ses « images », prises au hasard des moments et des lieux, selon des rapprochements séquentiels, thématiques ou formels, parfois en bînomes. Ce sont des rues ou des passages, des décors, mobiliers, sculptures, outils urbains ou ruraux isolés, semblant à l’abandon ou en jachère, des détails de matériaux divers et épars, oubliés ou en attente d’utilité, ou encore pris sous un angle de vue leur donnant soudain un interprétation singulière. L’oeuvre de Dominique Marchès affirme sa volonté de décontextualiser le sujet photographié, suivant une légèreté singulière, jouant de la recherche de la proximité, de l’affect de son regard et de la distanciation du choix du cadrage et du percept de l’image qu’il produit. De là découle son choix d’un format « à dimension humaine », refusant la spectacularisation des agrandissements surdimensionnés. Ce choix d’un format, devenu aujourd’hui restreint, permet la proximité d’une lecture rapprochée de l’image, n’envahissant pas le regard, incitant le visiteur à la promenade en exposition. D’évidence, ses photographies ne révèlent pas une double personnalité, les deux facettes différentes ou opposées, celle du professionnel, celle de l’artiste, d’un Dominique Marchès vivant son existence à deux vitesses. Ce sont au contraire celles d’un homme qui, avec une identique passion, situe dans les espaces extérieurs et intérieurs d’une exposition les oeuvres des artistes, investissant les lieux dont il détermine les positionnements artistiques et culturels, se fond à d’autres moments dans les paysages des demeures successives de son itinérance de vie ou encore, se promène de par le monde, l’appareil sous la main, dans l’attente du cadrage propice, du « quotidien banal ». Montrer l’art aujourd’hui, photographier le présent quelconque, sont les moments, les lieux et les faits d’une seule et même autobiographie à l’écoute de l’intimité de sa perception du monde contemporain, qu’il nous montre tel qu’il le regarde mais aussi tel que les autres artistes qui l’intéressent le regardent, en toute empathie, nette, brève, tendue.

Emmanuel Posnic, 2007.