Falconery

Une exposition de Tia-Calli Borlase
Commissariat de Paul Ardenne

"Entres"

L’univers de Tïa-Calli Borlase est celui du « entre », le between des Anglo-saxons. L’artiste n’avance pas masquée mais, de manière ostensible, entend affirmer que son monde propre n’est pas le nôtre, qu’il n’appartient pas à notre réalité immédiate. Car Tïa-Calli Borlase a créé sa propre patrie, la patrie du « Entre », une entrepatrie. Celle-ci a pour première caractéristique d’en faire la libre maîtresse des lieux. Quant à ses œuvres plastiques, celles-ci s’avèrent en conséquence l’expression non d’un lointain ou d’un proche mais, bien plutôt, d’un ailleurs. Vous qui entrez ici, acceptez ce qui s’y trame ou passez votre chemin.
Créer un entre-monde, faire de l’œuvre d’art, en son entier, l’équivalent de cette « entrepatrie » évoquée à l’instant. Voyons cela de plus près. Au moyen de lacets, de passementerie, de lingerie féminine, Tïa-Calli Borlase crée par exemple un univers singulier de sculptures textiles qui évoque le sado-masochisme, l’habit des putains, la cérémonie sexuelle raffinée, le goût de l’esprit pour la subtilité, les détours, le passage par l’imaginaire. Encore : grande amie des chevaux et cavalière de haut rang, cette artiste secrète a le goût d’habiller les chevaux ou de s’inspirer de leur morphologie pour créer des sculptures de nouveau incomparables, évoquant, certaines les caparaçons médiévaux, et d’autres l’univers des centaures, et d’autres encore une hybridité tenant de la plus ancienne mythologie et de la plus récente Fantasy. L’œuvre d’art « entre », mieux que brouiller les genres, les références, les certitudes symboliques, les convoque tout ensemble. Outre la liberté d’expression, les formes qui résultent de la composition mentale et référentielle de l’artiste prônent en creux les vertus du seul discours de liberté possible, celui qui n’adhère pas mais qui réquisitionne selon ce que réclame le désir.
L’exposition conçue pour la ZAN Gallery par Tïa-Calli Borlase constitue une suite logique à son entreprise « entrepique ». Cette fois, qu’il s’agisse de dessins réalisés à même les murs ou de sculptures posées directement sur le sol, un univers absolument singulier émane de cette nouvelle proposition. Certaines sculptures, de la sorte, peuvent sembler inspirées par le capuchon de cuir dont on couvre la tête des faucons utilisés pour la chasse. Mais aussi bien, par l’univers de la maroquinerie mais alors, dans ce cas, éprise de fluctuations, de dérives. L’ensemble sollicite fortement les sens, quoi qu’il en soit. Ce pourrait être une collection délirante ? C’est aussi une collection d’« entres », une formule artistique dont on sent la puissante originalité, venue d’un seul corps, où est à l’évidence joué et poussé à fond le processus créatif.

Paul Ardenne